[Trek dans le temps – troisième partie] Le soleil caresse le sable et les massifs rocheux qui se dressent à l’horizon, les affublant ainsi de doux reflets dorés. Alors que de la fenêtre du minibus, ces couleurs me laissaient croire à une température plutôt chaude, c’est plutôt une bouffée d’air frais qui emplit mes poumons à la minute où je pose le pied au sol. Surprise, surprise : « Snow here winter» annonce notre guide local, Aoudé. J’enfile ma tuque, laissant mes idées préconçues et prévisions météorologiques s’évanouir dans l’air froid du désert du Wadi Rum, aux portes de l’Arabie saoudite.

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Coucher du soleil dans le Wadi Rum

Après un court arrêt au centre des visiteurs pour payer les droits d’accès et obtenir des cartes, nous reprenons la marche à la sortie du village Rum, là où la route pavée se termine. Devant nous s’élève l’imposant massif d’Um Ishrin, traversé par le canyon du Rakabat. Sans plus tarder, nous défions les parois escarpées de celui-ci pour rejoindre la grande dune de sable rouge, au pied de laquelle nous pique-niquons. Ça y est, c’est parti ! Au programme : 4 jours de marche dans le désert, ponctués de quelques ascensions des massifs rocheux du secteur. Pour réduire le temps réservé aux déplacements, nous préférons les petites tentes mobiles aux grands campements aménagés. Les bagages seront transportés entre les campements par le vieux jeep d’Aoudé, notre chauffeur et cuisinier. Nous n’avons plus qu’à marcher, marcher et marcher.

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Marcher, marcher et marcher.

Pendant ces 4 jours, nous vivons au rythme du soleil, enchaînant les sommets et les canyons. Nos bras et nos jambes endoloris par les montées abruptes profitent des traversées du désert pour prendre un peu de répit, alors que nos esprits vagabondent allègrement, inspirés par la singularité du décor où a été tourné le film Lawrence d’Arabie. Les paysages désertiques de cette zone protégée, d’où émergent des montagnes aux formes hétéroclites, lui ont valu le surnom de «Vallée de la Lune».

Les ascensions et les traversées des canyons ne sont pas de tout repos. Notre guide, encouragée par la bonne forme physique des membres du groupe, décide d’emprunter des chemins peu fréquentés, et souvent plus difficiles. Rapidement, nos nerfs sont mis à l’épreuve lors de l’ascension de l’arche du Burdah, une passerelle de roche s’élevant sur un vide qui, semble-t-il, a été fatal à plusieurs reprises en raison de bourrasques inattendues. Cette fois, nous nous encordons pour franchir la dernière étape de la montée, qui en fera frissonner plus d’un. Une fois ce passage derrière nous, qui aura tout de même raison de certains membres de l’équipe, il nous faudra marcher sur l’arche, le tout sans corde, à la merci d’un coup de vent ou d’un faux pas. Quelques-uns la traverserons d’ailleurs la première fois… à quatre pattes ! (La rumeur parle notamment d’un mâle alpha de Nürnberg…)

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Bonjour le vertige !

Une épreuve n’attend pas l’autre. Nous enchaînons déjà avec l’ascension d’un sommet du Wadi Nuqra. Là, c’est moi qui traîne de la patte. La montée est difficile, sans parler de la traversée du canyon qui nécessite l’usage des bras. À un moment, j’en viens toutefois à apprécier ma morphologie. Le canyon devient si étroit qu’il est difficile pour les hommes de s’y faufiler. Fabrice, un membre du groupe, reste coincé entre deux rochers. Notre guide lui suggère alors tout bonnement «d’enlever son bras !». Inutile de vous dire que cette remarque provoque des fous rires interminables dans l’équipe, et devient vite un running gag. Quelques pirouettes plus tard, nous sommes perchés au sommet, d’où nous contemplons l’irréelle nuance pourpre des massifs saoudiens. À nos pieds, le sol est jonché de fossiles, signes d’une ancienne vie marine. Devant moi, l’infini du désert et le souffle du vent qui berce le sable… un moment qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

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Fabrice coincé dans un canyon

Quelle joie de tomber sur Aoudé à la sortie du canyon, après une aussi rude journée. Le bonheur illumine aussi son visage, mais pas pour les mêmes raisons. Il est heureux d’avoir trouvé un signal de téléphonie mobile en plein désert, grâce auquel il peut parler à sa fiancée. Des traces de pneu tout autour nous indiquent qu’il n’est pas le seul à connaître cet endroit, seul lien avec la civilisation. Sa conversation terminée, il propose de nous ramener au campement. Au diable la sécurité, mes jambes disent : OUI !

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Aoudé

Nous devons rapidement nous atteler à la tâche et monter le campement. Comme à tous les soirs, des nuages menaçants annoncent une averse, peut-être même un orage. Et oui, il pleut aussi dans le désert ! Heureusement, quelques gouttes seulement viennent perturber notre repas. Réchauffés par le feu et quelques gorgées de Ricard, nous chantons quelques classiques français sous les étoiles qui n’en finissent plus de briller.

Au petit matin, c’est le cœur gros que nous amorçons notre dernière heure de marche dans le Wadi Rum. Nous partons à la rencontre d’un jeune homme qui, du haut de ses 12 ans, nous ramènera au village. Vêtu d’un long manteau traditionnel fait de peau de mouton, il baragouine un peu d’anglais, vantant la puissance de son nouveau pick-up qu’il conduit habilement sur les pistes sillonnant la terre de ses ancêtres. La tradition et la modernité s’accordent ici à merveille, ébranlant au passage certains paradigmes.

Une seule chose demeure certaine. En Jordanie, mes souliers ont beaucoup voyagé… dans le temps !

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Notre chauffeur de 12 ans

6 commentaires sur «Trek dans le Wadi Rum»


  1. Salut vous deux! WOW ce voyage semble avoir été très intéressant et magnifique sur tous les côtés! en tout cas, c’est très différent de Montréal !! (hi!hi!) et les chances sont très minces que je puisse un jour visiter les lieux!
    Alors c’est génial de pouvoir vous suivre dans vos aventures!
    Merci À+

  2. Francine dit :

    Super!..Je n’ai jamais arrêté de te suivre ma petite Jess… C’est très intéressant de te lire, félicitations, tes articles me plaisent toujours! Tu me fais voyager et rêver 🙂

  3. lise morin dit :

    Quel beau voyage dans le temps et avec tous ces paysages magnifiques, que de beaux souvenirs vous avez dû rapporter dans vos cœurs, c’est vraiment toujours si agréable de te lire et d’en savoir un peu plus sur vos périples en terre étrangère.

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