Le temps est venu de vous dire les vraies affaires : c’est Francis, l’expatrié. Je suis arrivée en Allemagne sans boulot, ce qui fait de moi la femme d’expat. La suiveuse, l’accompagnatrice, la dingue qui a tout laissé tomber par amour pour l’Europe son mari. À défaut de m’épanouir professionnellement, j’allais vivre une aventure épique.

Voilà maintenant deux ans que je partage cette expérience avec vous sur deuxexpats. Du fun, j’en ai eu en masse. Mais derrière ces photos où j’ai le sourire fendu jusqu’aux oreilles se cache un mal sournois. J’ai nommé : l’angoisse de la femme d’expat. 

Qu’est-ce que je fous là ? À quoi je sers ? Suis-je en train de gâcher ma vie professionnelle ?

Le rôle de la femme d’expat : yay or nay ?

Malgré les apparences, le rôle de la femme d’expat est loin d’être facile à assumer. Outre l’adaptation à un nouveau pays et à une nouvelle langue, il faut digérer une perte de revenus et un statut de dépendance. À cela s’ajoutent les vaines tentatives pour se trouver un boulot qui effritent gravement l’estime de soi. On devient la femme de. Et pour beaucoup, on le restera.

Les statistiques sont là pour le confirmer :  « Trouver un emploi en tant que conjoint d’expatrié relève du parcours du combattant, malgré un profil prometteur sur le papier. Et c’est bien souvent ce chômage forcé qui rend l’expatriation amère pour le conjoint. Dans près de 70% des cas, il a un bac+4 minimum (ndlr : Au Québec = DESS) et parle trois langues et souhaite travailler. Pourtant, seuls 50% d’entre eux y parviennent. Les autres ont renoncé (20%) ou sont toujours en quête d’un travail (19%), malgré une perspective bien assombrie. »

Une carrière pour la femme d’expat ?

Mon cas ne fait pas exception à la règle. Depuis mon arrivée en Allemagne, j’ai cumulé plusieurs mandats en rédaction et en enseignement, sans jamais décrocher de poste permanent dans mon domaine. Et c’est ma faute. Après deux ans à Nuremberg, je ne parle toujours pas assez bien l’allemand pour travailler en communication. Et le départ étant imminent, j’ai décidé de ne pas perdre mon temps plus longtemps. #tintoélallemand

Et même si mes petits boulots feront en sorte que je n’aurai pas de trous dans mon CV, j’ai la chienne. Avant l’Allemagne, j’avais une carrière à Montréal. Petite, oui, mais en plein essor. Et si elle était déjà terminée ? Parce que toute cette aventure européenne, aussi belle et incroyable soit-elle, lui aura en quelque sorte couper les ailes. Or, à l’aube de mes 30 ans, ne devrais-je pas plutôt travailler à construire mon avenir ? Me dépasser parce que j’en mange ?

J’ai plutôt l’impression de jouer à l’éternelle adolescente entre deux contrats de rédaction, les voyages et pas de plan bébé. D’autres jours, alors que j’attends patiemment que Francis revienne du travail pour sortir la lasagne du four, je me dis que je ne suis pas à ma place. Je repense à cette époque où je déplaçais des montagnes pour Verchères—Les Patriotes et je m’ennuie, beaucoup. La foutue question revient alors au galop, comme si elle voulait profiter de ma vulnérabilité : suis-je en train de gâcher ma vie professionnelle ? 

***

Plus de deux années se sont écoulées depuis ce fameux weekend où j’ai mis ma vie dans des boîtes. Est-ce que je regrette d’avoir tout laissé tomber ? Absolument pas. Comme le disaient alors nos copains expatriés, ce n’est jamais facile, mais au final c’est une sacrée belle aventure. Et gageons qu’un beau jour, je rirai de cette époque où je m’ennuyais tant du marché du travail. 🙂

Sur ce, je vais passer mon angoisse de femme d’expat avec mon moule à muffins.

réalité de la femme d'expatrié

L’éternelle ado en 2008 et 2015 : aucun changement… sauf la grosseur du sac !

23 commentaires sur «L’angoisse de la femme d’expat»


  1. Merci pour cet article très sincère ! Effectivement vouloir un travail et le trouver c’est pas facile, et encore moins pour l’expliquer à amis et famille…

  2. Je découvre ton blog avec cet article, pas simple d’être « femme au foyer » quand on a bossé et aimé ça avant. J’ai passé un mois sans boulot en septembre, de retour de tour du monde, alors que mon conjoint travaillait, et je ne m’attendais pas à me sentir aussi mal… et pourtant ce n’était qu’un mois ! Je te souhaite de tout coeur de trouver l’opportunité qui te permettra de vivre à fond à toi aussi la vie d’expat, y compris sur le plan pro 🙂

  3. Sarah dit :

    Wow! Quel bonheur de tomber sur ta page! J’ai quitté Montréal il y a 6 mois seulement, mais ces blues de « femme d’expat » sont bien les mêmes pour nous toutes. J’ai même pensé me réinventer cuisinière tellement je passe du temps au fourneau pour me désenuyer. Bref, merci pour ton partage ça m’a fait du bien (presque autant que la poutine que je mangerai en rentrant pour Noël :P)

  4. […] est peut-être toute de gris vêtue, mais dans mon coeur, c’est le party ! Après ma crise de la femme d’expat déboule une foule de bonnes choses, dont ces mentions dans le palmarès des 15 blogues […]

  5. Bonjour Jessica,
    Je suis contente de voir que ta conclusion reste que tu ne regrettes pas ce que tu as fait, ni où tu en es aujourd’hui. C’est ça qui serait triste sinon…!!
    Je ne suis pas exactement dans la même situation que toi car j’ai trouvé un CDI en Allemagne donc la question financière s’est vite améliorée (j’étais quand même dépendente au début quand j’ai rejoint mon conjoint en Allemagne^^).
    Nous n’avons pas non plus de plan pour le futur, pas le moindre. L’idée était de rester 2 ans (ça y est, la date limite est passée!) et de voir après pour éventuellement parti plus loin (Canada?). Alors pourquoi on est toujours là ? Parce qu’on se sent bien, on vit au jour le jour, et ces années pré-trentenaires me font prendre conscience de certaines choses importantes de la vie. On adore notre vie en ce moment, et ça nous rend heureux…ça suffit tellement à vivre ! Evidemment on essaie de se projeter de temps en temps (tu parles de projet bébé, c’est LE sujet qui revient par-ci par-là^^). Mais faire des choix est difficle finalement quand on a déjà ce dont on a besoin au jour le jour.

    Bref ! Je raconte ma vie pour te dire : profite de ces années avec ton mâle chéri et continuez de voyager ! Tant que tu fais ce que tu veux et que tu te sens bien comme ça, what else ? 😉

    Je vais suivre avec curiosité le reste de vos aventures, à bientôt !

  6. […] blogue. Les bons et les moins bons côtés d’un déménagement à l’étranger, comme le rôle souvent ingrat de la femme d’expat ou encore le bordel du cours d’intégration. Malgré tout, entre le chialage, les anecdotes […]

  7. Océalie dit :

    Super intéressant cet article un peu plus perso. J’ai longtemps songé comme toi que ce n’était pas un rôle facile à tenir et finalement, je commence tout juste à penser comme Emmanuel, qui a laissé le premier commentaire. Toute expérience est bonne à prendre. Déjà, il ne faut pas culpabiliser car apprendre une langue étrangère c’est énorme et espérer travailler dans la com ou le journalisme quand ce n’est pas ta langue natale relève de la mission quasi-impossible. J’ai moi aussi vécu cette situation. Après 8 mois de déboires en Australie, comparables à ce que tu décris (impossible de décrocher un sponsoring après une année de WHV pourtant riche professionnellement) je suis retournée en France et c’est finalement M. Koala qui m’a suivie (un an plus tard tout de même!). C’est donc lui qui tient aujourd’hui ce rôle si complexe mais par chance il travaille dans un secteur qui continue de recruter, le bâtiment. Sauf qu’évidemment, en tant qu’étranger avec un accent à couper au couteau, il en ch… tous les jours (que je suis vulgaire, mais c’est vraiment le mot, la France provinciale n’étant pas très open-minded). Ce n’est pas facile. Mais on a ajouté le mot flexibilité dans notre vocabulaire quotidien et appris à aimer le changement (je le détestais quand il signifiait refaire ses preuves, repartir à zéro, déménager…). Je pense que c’est un certain « lifestyle » et qu’il est toujours plus riche qu’une vie lisse et bien rangée qui finirait par m’ennuyer à la longue , justement 🙂 C’est mon point de vue du moment. En tout cas j’espère que vous arriverez à travailler tous les 2 dans le même pays, même si ce n’est pas toujours le job idéal pour les 2 (ça c’est impossible je crois…). Ça permet quand même de souffler et de se rassurer. Ca ne vous dit pas la France ? 🙂

    • Comme tu dis, le job idéal pour les deux en même temps.. J’aimerais bien, mais pour le moment j’en doute 🙂 Le projet de déménager dans un pays anglophone est présentement sur la table étant donné que mon anglais est définitivement meilleur que mon allemand. Si je comprends bien, monsieur Koala parle un peu le français ? Pas de doute, avec toi il apprendra vite !

      Et la France… Avec le taux de chômage et tous les français qui arrivent au Québec en nous racontant à quel point c’est mort sur le marché du travail chez vous, ça fait pas envie !

  8. Emmanuel dit :

    Ahlalal, la « carrière » tout un concept.
    Ce « quelque chose » que l’on nous a dument et cranement enseigné depuis tout petit. « Quand tu seras grand, tu feras de belles études, tu meneras une belle carrière, tu feras de beaux enfants, tu auras une belle voiture/maison, un brave toutou etc… »

    Moi, je te pose la question différemment. La, maintenant, ton cul entre deux chaises, tu fais quoi ? Que dis ton instinct ? Take fresh, prend l’air, dépasse ton angoisse et écoute le. Il te guidera, et tu trouveras une solution. Peut-être pas dans la « carrière » pour répondre aux normes sociétales source d’angoisse/anxiété/psychotrope mais un projet pour TOI sans demander quoique ce soit à la norme !

    • Je comprends ton point de vue.. Et je carbure aux projets, j’adore ça. Mais malheureusement, je dois aussi gagner ma vie. Et mes projets sont pas payants 😛

      • Emmanuel dit :

        Justement, bien sur que tout le monde doit gagner sa vie.. Moi, comme toi, nos voisins, le gérant du supermarché ainsi que le vendeur de smartphone. Mais ce que je soulignais, c’est ta tentative de raccrocher au concept de « carrière » comme pour te rassurer alors que tu as plein d’opportunités possibles qui t’attendent. Enfin c’est une impression, hein !
        Certes elles ne dresseront pas un profil linéaire sur ton CV comme le veulent certaines employeurs, mais ça fait de toi une personnalité, adaptable, combative etc..
        Enfin je dis ça, ce ne sont que des évidences, mais se dire « merde je vais perdre ma carrière » et rester à attendre que ça vienne alors que potentiellement des possibilités de formation ou d’autres boulots/bénévolats dans d’autres secteurs peuvent venir et déboucher sur des choses que t’imagines mêmes pas ?
        Je schématise hein, je suppose que tu fais des choses en dehors.
        Ca me fait penser à ce billet, qui résume mieux mon état d’esprit: http://www.maathiildee.com/un-trou-de-deux-ans-dans-mon-cv/

        Allez courage 🙂
        Et relis la 2nde partie de mon premier commentaire 🙂

  9. Émylie TM dit :

    Je te comprends tellement! J’ai vécu une situation similaire, où mon chum avait un emploi à Berlin et moi, en tant que traductrice anglais-français, je parlais assez bien allemand pour commander du pain, mais pas assez pour traduire. Par contre je ne suis restée dans cette situation que quelques mois, alors chapeau!

  10. lise dit :

    Chère Jessica, je comprend ton angoisse mais ta vie est tellement remplie de belles opportunités que je crois , tout comme Marielle, qu’il faudra être encore un petit peu patiente car avec tout le potentiel que tu possèdes c’est impossible qu’on t’oublie ou qu’on passe à côté de toi sans te remarquer, l’avenir est devant toi ma chérie, tu es encore si jeune, ne cesse pas d’y croire et continues de profiter de ta chance.
    Sincèrement, moi j’y crois. xxx

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