Chronique d’un weekend à Leipzig

Leipzig (prononcé Leipziq ou Leipzich, en fonction de votre région d’origine), serait la nouvelle Ze place to be en Allemagne. Chronique d’un weekend à Leipzig, en visite chez les hipsters – ou pas.

Je pose le pied dans la plus grande gare du monde par un beau matin du mois de septembre. Intriguée par son surnom, Hypezig, j’avais décidé d’aller passer un weekend dans la nouvelle Mecque de la culture alternative en Allemagne : Leipzig.

Me voilà donc dans la ville la plus cool d’Allemagne – et ce n’est pas moi qui le dit. Déjà en 2014, Slate affirmait : Berlin c’est fini : c’est à Leipzig qu’il faut aller, tandis que Vice la désignait comme le nouveau Berlin, encore plus à l’est. En somme, la plus grande ville de Saxe surpasserait Berlin en termes de coolness. Surprenant, quand on sait que cette dernière est reconnue pour être l’un des endroits les plus branchés au monde ! Qu’a donc Leipzig de si spécial ?

L’histoire d’un dépeuplement

Leipzig Hypezig

L’hôtel Astoria est abandonné depuis 1997.

Anciennement sous le joug de la zone d’occupation soviétique, puis du côté de la République démocratique d’Allemagne, son présent est teinté par un passé tourmenté, comme le témoigne les nombreux bâtiments du centre aujourd’hui laissé en ruines. Dès la sortie de la gare, la vision du grand hôtel Astoria, autrefois symbole de luxe et d’opulence dans la RDA et désormais laissé à l’abandon, saisit.

Après la chute du mur de Berlin, la ville industrielle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Son air est pollué, le chômage monte en flèche et la pauvreté règne. Nombreux sont ceux qui partent alors vers l’ouest, laissant derrière maisons et appartements, en quête d’un avenir meilleur. Il y aurait aujourd’hui près de 45 000 logements inoccupés à travers la ville, et ce malgré le prix modique des loyers et les programmes d’aide. (+)

Le retour des enfants prodiges

Leipzig architecture RDA

Heureusement, les anciens bâtiments de béton pré-fabriqués, symbole architectural de l’Allemagne de l’est, attirent depuis quelques années les jeunes créatifs venus profiter de l’univers alternatif en plein essor de Leipzig, avec ses restaurants végans, sa scène techno et ses anciennes usines transformées en galeries d’art et en ateliers. La ville est devenue si cool qu’elle s’est vue attribuée le surnom – d’abord moqueur, puis repris sur la scène internationale de façon sérieuse – de Hypezig. Vraiment ? Allons voir cela de plus près.

La vieille ville de Leipzig

Depuis la gare, il faut d’abord traverser la place Willy-Brandt pour accéder à la vieille ville de Leipzig, qui à première vue n’a pas grand chose de hype. Avec ses églises et ses édifices historiques, le centre donne plutôt dans le classique. Tellement classique que ça lui donne presque un air vintage-cool de grand-maman, mais allemande.

Vieille ville de Leipzig

Place du marché à Leipzig. Derrière, l’ancien hôtel de ville (Altes Rathaus, 1556-1558).

Capitale de la musique

Ici, peu de traces de la scène techno. Le Stadtmitte se découvre plutôt au rythme des mélodies de Jean-Sébastien Bach, de Felix Mendelssohn et de Richard Wagner, grands musiciens ayant tous, à un moment où un autre, marqué la ville. Bach y a composé quelques-unes de ses oeuvres sacrées les plus marquantes, tandis que Richard Wagner y est né et que Felix Mendelssohn dirigea l’orchestre renommé Gewandhaus. Pour en savoir plus, on se lance sur la Leipziger Notenspur (le chemin de la musique), à la découverte des musées de Bach, de Mendelssohn ou de Schumann.

Musée Bach Leipzig

Le musée Bach est situé devant l’Église Saint-Thomas de Leipzig

Gastronomie saxone

Mais avant d’entamer la tournée des musées, peut-être vaut-il mieux faire le plein d’énergie avec un copieux repas du célèbre restaurant traditionnel Auerbachs Keller. Loin de donner dans la gastronomie végane, on y propose de la bonne grosse viande, des pommes de terre et de la bière, ici servies dans une ambiance des plus familiales, comme chez mamie. Ou devrais-je plutôt dire dans le sous-sol de chez mamie, puisque le restaurant est installé dans une cave !

Où manger lors d'un weekend à Leipzig

La spécialité du Auerbachs Keller : un rôti de porc accompagné de choux, de champigons et d’une boule de pomme de terre (Klöß).

Cafés

À Leipzig, le café est une institution, et c’est pourquoi on retrouve tant d’établissements renommés dans la vieille ville, comme le Kaffeehaus Riquet, le Café Kandler, le Café Central et le Café Wagner, pour n’en nommer que quelques-uns. Alors que certains décors nous rappellent les cafés de Paris, les pâtisseries comme le Bachtaler ou le Leipziger Lerchen, sont elles bien typiques. Mais pourrait-on dire qu’elles sont cool ? Peut-être autant que le sont les traditionnelles tartes au sucre de chez nous – c’est-à-dire pas mal plus savoureuses que branchées.

Café Wagner Leipzig

Le Café Wagner à Leipzig : le classique-kitsch à son meilleur !

Malgré tout ce bonheur historique et culinaire, je commence à désespérer. Où se cache donc cette terre promise pour jeunes branchés créatifs ? Mais en marge du centre historique, pardi !

Karl-Liebknecht Straße

Je saute dans un bus en direction de la rue Karl-Liebknecht, aussi connue sous le nom de KarLi. Cette longue artère s’étend du centre jusqu’au quartier Connewitz, tout au sud de la ville, mais sa partie la plus intéressante se trouve entre les rues Paul-Gruner et Richard Lehmen. L’atmosphère est ici complètement différente : un peu hippie, définitivement plus jeune et beaucoup plus colorée.

Merci au site web de l’Office du tourisme qui m’apprend que le quartier doit ses airs originaux aux squatteurs, musiciens, artistes en art visuel et acteurs qui ont investi les immeubles abandonnés au début des années 90 pour y créer ce qui allait devenir «la scène alternative» de Leipzig. Le quartier KarLi est aujourd’hui devenu le repaire des étudiants, qui profitent de l’offre culturelle abondante et de la forte concentration de cafés, de restaurants et de bars.

Après un peu de shopping chez Feinkost, une coopérative artistique, culturelle et commerciales aux airs festifs, on s’arrête pour savourer un repas entièrement végan chez Symbiose.

Weekend à Leipzig sur la KarLi

Les murs extérieurs bien colorés de Feinkost

Quartier Karli de Leipzig

Le Biergarten au pied de l’enseigne de la Löffelfamilie, vestige de la RDA

Restaurant vegan Symbiose à Leipzig

C’était bon ET végan.

La Spinnerei

Le lendemain matin, je décide de m’aventurer plus à l’ouest, du côté de Plagwitz. Je meurs d’envie de découvrir la Spinnerei, une ancienne usine à coton désormais dédiée à la culture. Depuis le début des années 1990, suite aux déboires économiques dans l’ancienne RDA, les locaux de cet immense complexe industriel se sont transformés en ateliers d’art, en galeries, en cafés ou en bureaux d’architectes. Une belle façon de récupérer des immeubles voués à la ruine.

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La Spinnerei au petit matin

Spinnerei à Leipzig

L’intérieur de la Spinnerei est sombre, mais la couleur est omniprésente.

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Balade dans la Spinnerei.

Karl-Heine Straße

Après avoir arpenté de long en large les couloirs accessibles malgré l’heure plutôt matinale, je décide de poursuivre ma découverte sur la rue Karl-Heine, supposément très cool.

Alors là, pour être original, c’est original. J’en suis bouche-bée (ou en bon Québécois : j’ai la ‘yeule à terre). Les façades des immeubles sont presque entièrement recouvertes de graffitis – ou d’oeuvres d’art, c’est selon. Même les plus jolies. Même les plus récentes. C’est le Far West de la liberté d’expression version street art.

Et c’est tellement trash que c’en est beau.

Karl-Heine à Leipzig

Des graffitis, partout – même sur les bâtiments historiques.

Photomaton sur Karl-Heine Strasse à Leipzig

Et le photomaton n’est pas épargné

Les cafés, bars et restaurants aux devantures maculées de peinture multicolore se succèdent. Le végan, le bio et le grano se mêlent ici parfaitement à l’alternatif et au techno. Je prends une bouchée – encore une fois végane – au Vleischerei, ce restaurant à la façade décorée de squelettes, avant de poursuivre ma route. Sur les larges trottoirs, des artistes, des étudiants et des excentriques déambulent. J’entre ici et là, j’en ressors incertaine. J’ai du mal à comprendre ce que je vois. J’ai du mal à saisir l’ambiance. Tout ce que je sais, c’est que c’est bien la première fois que je vois ça, que je ressens ça.

Leipzig, Hypezig ?

Oeuvre d’art sur Karl-Heine Strasse, Leipzig

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Karl Heine Strasse, Leipzig

Oeuvre d'art sur Karl Heine Strasse à Leipzig

De l’art original sur Karl Heine Strasse, Leipzig

Et alors, Leipzig/Hypezig, la nouvelle Berlin, ou pas ?

L’environnement des quartiers sud n’a décidément rien à voir avec le centre historique de Leipzig, et encore moins avec celui de Nuremberg. Et parce qu’il est impossible de comparer des pommes avec des poires, je ne m’aventurerai pas à comparer Leipzig à la capitale allemande. Encore moins à la qualifier de nouvelle Berlin. Berlin, c’est Berlin. Leipzig, c’est Leipzig. Allez à Berlin, puis passez au moins un weekend à Leipzig – vous ne le regretterez pas. 

Quant à savoir si celle-ci porte bien son surnom, Hypezig… Que veut-il bien pouvoir dire, de toute façon ?

(+) Leipzig confie à des « gardiens » ses immeubles désertés 

8 commentaires sur «Leipzig Ze place to be»


  1. lise dit :

    Impressionnant, un autre monde quoi, on ne s’attend pas à trouver ce genre d’atmosphère en Allemagne. Tu nous décrit très bien l’ambiance, à nous de choisir si on a envie de le vivre.

  2. Marielle dit :

    Encore une fois tellement bien écrit qu’on en ressent les sensations de la découverte. Félicitations pour ces beaux articles.

  3. Merci beaucoup pour ton article !
    Leipzig fait partie des villes que j’irais voir une fois en Allemagne. Comme toi, tout le monde me dit que c’est ultra hypster et le nouveau Berlin.
    Mais du coup, à la lecture de ton article, tu ne dis pas vraiment si tu as vraiment aimé la ville ? 🙂

  4. Pas mal ton article sur Leipzig

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