Je mentirais si je te disais que je n’avais pas aimé mon voyage en Antarctique. Que je ne rêverais pas d’y retourner demain matin. Que je ne te recommanderais pas le voyage.

L’Antarctique m’a bouleversé. Quand j’ai aperçu le premier mur de glace s’élever dans la mer, j’ai même pleuré. Peut-être un peu de joie parce que le mal de mer allait enfin me quitter, mais surtout parce que l’Antarctique est majestueux. Pis encore, le mot ne suffit pas.

En même temps, chaque minute passée sur le continent austral me remplissait de remords. Je me sentais coupable. Coupable de fouler un territoire vierge, de laisser mes traces sur la blancheur immaculée d’un écosystème aussi fragile.

J’en suis venue à la conclusion qu’il fallait stopper le tourisme en Antarctique pour mieux le préserver. Et avant de te faire rêver avec le récit de nos aventures en kayak et en camping, je me devais d’être honnête avec toi, même s’il m’est difficile de trouver les mots justes. J’en suis consciente, mon discours est contradictoire. D’un côté, je te vante la destination à grands coups d’adjectifs et de l’autre, je te dis qu’on ne devrait pas y aller. Mais commençons par le début, ok ?

Le tourisme est dangereux pour l'Antarctique

Du tourisme « responsable » en Antarctique

C’est à la dernière minute, en Argentine, que nous avons réservé notre croisière. Mais avant de dire « oui, je le veux » à l’offre la moins chère offrant du kayak et du camping, nous avons vérifié que la compagnie était bien membre de l’IAATO (Association internationale des voyagistes antarctiques), qui réunit 80% des voyagistes. Pourquoi ? Parce que les opérateurs membres du IAATO respectent des normes environnementales basées sur le Traité sur l’Antarctique, tout en prônant un tourisme éducatif. Voici quelques exemples tirés de son code de conduite (voir la règlementation complète ici):

  • les bateaux de plus de 500 passagers ne sont pas autorisés à effectuer des débarquements en Antarctique
  • un maximum de 100 passagers est autorisé à débarquer à un même endroit en même temps
  • les navires utilisent du « marine gasoil » pour éviter de créer une marée noire s’il y a un accident
Protéger l'Antarctique

Les animaux sont rois en Antarctique. Laissons-les tranquilles.

L’Antarctique, un territoire protégé

Il faut savoir que depuis l’adoption du Traité sur l’Antarctique et plus précisément du Protocole relatif à la protection de l’environnement, le continent blanc est défini comme une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». L’exploitation des ressources à des fins commerciales, tout comme les activités militaires, sont interdites. Les activités humaines, incluant le tourisme, sont réglementées.

Le tourisme en Antarctique a débuté dès les années 50, mais ce n’est que plus tard, vers la fin du siècle, que les chiffres ont explosé. Depuis, ça n’arrête pas de grimper – et on comprend l’engouement ! Selon les statistiques fournies par l’IAATO, dans la saison 2012-2013, un total de 34 315 touristes avaient visité le continent blanc. Cette année (saison 2017-2018), on attend 46 385 visiteurs – et cela ne tient en compte que les navires membres de l’IAATO. Ça en fait du monde à gérer sur un continent que l’on souhaite garder vierge.

Le rôle des équipes d’expédition dans la protection de l’environnement

Pour s’assurer que le voyage ne perturbe ni la faune ni l’environnement, l’équipe d’expédition informe tous les passagers du code de conduite à adopter bien avant le premier débarquement. On le répète inlassablement pendant 2 jours, le temps de traverser le passage de Drake et encore une fois avant chaque sortie, juste pour être sûr. Une fois en Antarctique, l’équipe foule terre avec un ratio d’un guide pour 20 passagers. Ceux-ci se posteront à des endroits stratégiques le long de l’itinéraire préétabli pour garder tout ce beau monde à l’oeil. En théorie, ça devrait le faire. Et en réalité ?

Stop au tourisme de masse en Antarctique

Lors d’un débarquement en Antarctique, les passagers doivent suivre un itinéraire préétabli par l’équipe d’expédition.

Le devoir des passagers en Antarctique

Au-delà des traités et des règlements en vigueur, il y a les passagers. L’équipe d’expédition, aussi extraordinaire soit-elle, ne peut pas tous les tenir par la main lors des débarquements. Il en revient aux passagers de comprendre, d’accepter et de mettre en pratique les codes de conduite longuement expliqués par l’équipe d’expédition.

Comme nous avons pu le constater lors de notre voyage, la notion de respect et de protection de l’environnement diffère d’une personne à l’autre et d’une culture à l’autre. Malgré de multiples briefings en anglais, simultanément traduits en allemand et en mandarin, nous n’avions pas tous la même compréhension du code de conduite : restez sur les chemins tracés, n’approchez pas les animaux à moins de 5 mètres, laissez-leur la voie libre, gardez le silence pour ne pas leur faire peur…

Simple, non ? Pourtant, on a vu des trucs horribles. Et pas besoin d’être un scientifique pour affirmer que ces agissements perturbaient le calme plat de l’Antarctique. En voici quelques exemples :

  • Des gens torse nu crier de joie en plantant un drapeau.
  • Des gens courir après des manchots apeurés.
  • Des gens lancer des balles de neige à des oiseaux.
  • Des gens abandonner des déchets derrière eux.

Et cetera, et cetera, et cetera.

Je rageais par en dedans à chaque débarquement. Au début, j’ai tenté d’expliquer, de mettre en garde. On me regardait comme si je venais de la planète Mars. Heureusement que nous étions inscrits en kayak. Alors qu’au début je voulais autant marcher que pagayer pour ne rien manquer, j’en suis venue à ne plus vouloir débarquer avec les autres passagers. Je préférais observer l’Antarctique depuis mon kayak, loin du bruit et des abrutis. J’avais aussi l’impression qu’en kayak, les animaux étaient moins dérangés par notre présence. Nous avancions doucement et en silence, et le danger des vêlages nous forçait à garder nos distances avec le rivage. Ainsi, je me sentais un peu moins coupable. Un peu.

Kayak en Antarctique

J’ai trouvé le silence en kayak

Il faut protéger l’Antarctique

On dit que la meilleure façon de comprendre un enjeu, c’est de le voir de ses propres yeux, de l’expérimenter par soi-même pour ainsi devenir un meilleur ambassadeur. J’aime bien le concept, mais qu’est-ce qu’on fait si certains ne comprennent tout simplement pas et qu’ils finissent par y faire plus de mal que de bien ? Qu’est-ce qu’on fait si, sur chaque bateau, des visiteurs ne respectent pas les règles et mettent en péril la dernière grande région sauvage sur terre pour quelques clichés et de belles histoires à raconter ?

C’est trop cher payé selon moi.

Des cons, il y en a peut-être partout, mais puisque l’Antarctique est officiellement inhabité, il est encore temps de le sauver de la bêtise humaine.

Je vais donc, en tant « qu’ambassadrice », partager la beauté de l’Antarctique sur le blogue. Toutefois, je vais le faire non pas pour y encourager le développement du tourisme, mais pour vous donner envie de le préserver autant que moi.

Ça vous va ?

9 commentaires sur «Stop au tourisme en Antarctique»


  1. Matt dit :

    Salut ! Ton article m’a ému, car je comprends tout à fait ton point de vue sur le fait qu’il faut stopper le tourisme en Antarctique. C’est triste de lire qu’il y a des gens irresponsables qui ne prennent pas conscience que leurs actions peuvent affecter l’écosystème de cette région qu’il est essentiel de préserver.

  2. Emma dit :

    Ce sont des manchots… Le mot pingouin est une mauvaise traduction de l’anglais. Des petits pingouins nous avons la chance d’en observer au Québec.
    Merci pour ce témoignage. Pour être aller en Arctique je comprends tellement ton point de vue. Pourtant j’irais en Antarctique, mais grâce à To témoignage je serais attentive à la compagnie que je choisirais

  3. Gèrard dit :

    Tu as entièrement raison, la bêtise humaine est malheureusement partout. De magnifiques photos, merci XX

  4. Solange Parent dit :

    Je n’ai que de l’admiration pour vous les jeunes même si je vous ai suivi tout au long de l’aventure vous pourriez écrire un livre ou faire un documentaire à la télé Denis Lévesque vous êtes tellement interessant Imad terminez vous votre aventure ?

    • Merci Solange pour tes bons mots ! Nous ne savons pas encore quand ni où se terminera le voyage… Normalement ce doit être en juin, quelque part en Asie mais tout peut encore changer. On y va au gré de nos envies !

  5. lise dit :

    tellement beau témoignage et je suis tellement d’accord avec toi, qu’il faut à tout pris préserver ce qu’il reste de pur sur cette planète .Malheureusement il y a la bêtise humaine…on aura beau expliquer…certains ne comprendront jamais…Mais si chaque personne consciente fait son petit effort….ce sera déjà mieux que de rien faire. Je vous comprend d’être tombés en amour, les paysages sont magnifiques. Merci.

    • Difficile de ne pas tomber en amour avec l’Antarctique, c’est si beau. On va partager plus de photos bientôt – toujours dans le but de sensibiliser les gens à l’importance de la conservation du continent blanc.

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