Une fois, j’ai manqué mourir noyée. C’était sur la rivière Matawin, dans la Réserve faunique Rouge-Matawin. La rivière était trop haute, les rapides trop puissants. Bref, mon canot a coulé au premier kilomètre d’un rapide qui en faisait 3. Alors quand on m’a proposé de troquer la randonnée pour du kayak en Patagonie à cause des inondations à Torres del Paine, j’ai eu un petit frisson.
C’est que depuis mon expérience sur la Matawin, je me méfie des rivières. À la seule vue de rapides, je pense à ce moment où je suis restée prise, sous l’eau, entre un rocher et mon canot coulé. À la force qu’il m’a fallu pour m’agripper à un arbre et me sortir des torrents. À la douleur ressentie quand j’ai vomi les tasses d’eau plus tôt ingurgitées.
Leslie de l’agence Kayak en Patagonia a toutefois su apaiser mes craintes. Des guides hautement expérimentés (dont Will Copestake, le 2015 Adventurer of the Year au UK, c’est pas rien ça) allaient nous coacher. Nous allions faire face à du courant et à quelques passes techniques, sans plus. L’unique rapide du tronçon allait être évité en faisant du portage. J’allais donc donner une seconde chance aux rivières en descendant la rivière Serrano en Patagonie chilienne.
La Patagonie en kayak : l’option parfaite pour les sauvages
L’idée de découvrir les environs du Parc Torres del Paine en kayak est excellente, surtout pour les plus sauvages d’entre nous. Avec plus de 252 000 visiteurs par année, on peut dire qu’il y a du monde à messe sur les sentiers. Les perches à selfies envahissent les plus beaux points de vue et le silence s’éclipse. Peu de visiteurs s’aventurent toutefois sur les rivières, qui ont l’avantage de rejoindre les endroits les plus reculés. Plusieurs options sont possibles, allant des sorties d’une journée vers le glacier Grey aux excursions de plusieurs jours jusqu’au très sauvage Parc national Bernardo O’Higgings, accessible seulement par bateau. Il n’en fallait pas plus pour nous séduire.
En kayak sur la rivière Serrano
Le matin du départ, deux membres de l’équipe viennent nous chercher à notre hostel. Nous avons près d’une heure et demie de route à faire avant de rejoindre le point de départ de notre petite expédition sur les rives de la rivière Serrano, à la hauteur du village de Serrano.
Dès l’arrivée, nous avons droit à un briefing complet : comment mettre le dry suit, organiser son kayak, puis quelques conseils de base sur les techniques à utiliser dans les courants forts de la rivière. C’est la première fois que Francis et moi allons utiliser un kayak double de mer, ou un kayak du divorce, c’est selon. Will et Seda, nos guides (que j’aime déjà d’amour), répondent patiemment à toutes nos questions et me rassurent bien vite.
Point de départ : le village de Serrano
Le plan est de pagayer 45 kilomètres sur deux jours, de la rivière Serrano jusqu’au glacier Serrano. Nous partons tandis que le soleil fait une brève apparition, avant de nous quitter pour de bon alors que nous passons les dernières maisons du village de Serrano. Will nous avertit que ce sera le dernier contact que nous aurons avec la civilisation avant d’embarquer sur le bateau 21 de Mayo qui nous reconduira à Puerto Natales à la toute fin du trip. Parfait, c’est justement ça qu’on aime !
On croise bientôt la rivière Grey, qui se jette dans la Serrano (ou vice-versa). L’eau blanche semble se mélanger difficilement avec celle de la rivière Serrano, plutôt translucide. Sur plusieurs mètres, nous pourrons distinguer deux masses d’eau de couleur différente dans la même rivière.
Portage de la chute Serrano
Le courant s’intensifie alors que nous approchons notre premier portage, histoire d’éviter une chute de quelques mètres. J’ai les bras mous à la seule pensée que le courant pourrait nous pousser droit dedans. Heureusement, on rejoint facilement la berge d’où on observera le monstre. Will nous confie l’avoir déjà traversée en kayak. J’ai encore les bras mous, mais je préfère de loin porter les kayaks que de me jeter tête première dans le bouillon blanc. Le portage, d’une centaine de mètres à peine, est plutôt facile malgré les kayaks bien chargés. Un petit sentier nous mène de l’autre côté de la chute, d’où nous repartirons après une petite pause GORP (Good Old Raisins and Peanuts – on vous en reparle bientôt !).
On continue de pagayer, aidé par le courant qui s’intensifie de plus en plus. Les obstacles se font rares, et on peut admirer à notre guise les glaciers et les montagnes qui ceinturent la rivière. Autour, c’est le calme plat – si on fait fi de la pluie, de la grêle et de la neige. Nous sommes les seuls kayaks sur la rivière, et il n’y a pas âme qui vive sur les rives. Nos guides nous informent que seuls les gauchos s’aventurent jusqu’ici en cheval, puisqu’il n’y a ni route ni maison à des kilomètres à la ronde. La sainte paix.
Camping au Parc national Bernardo O’Higgins
La rivière s’élargit alors que nous approchons du Fjord Ultima Esperanza et du glacier Serrano, signe que notre site de camping n’est plus très loin. Difficile de croire que nous avons déjà pagayé 40 kilomètres tellement le temps a passé vite ! Nous longeons la rivière sur la droite avant d’accoster les kayaks au site de camping rustique Balmaceda. L’endroit est désert mais dispose de toilettes et d’une source d’eau potable qui provient du glacier Serrano lui-même.
On mange sous la bâche un repas digne d’un grand restaurant, au son du glacier Serrano qui vêle de petits icebergs dans le lac. Les morceaux ne sont peut-être pas très gros, mais le son, lui, est surprenant !
Se frayer un chemin entre les icebergs sur le lac Serrano
Après une bonne nuit de sommeil (ponctuée de rafales de vent et de craquages du glacier), nous nous empressons de remettre les kayaks à l’eau, cette fois dans le lac turquoise où se jette le glacier Serrano. À notre arrivée sur la plage, on comprend vite que ce ne sera pas facile. D’abord, il faut descendre les kayaks – facile. Puis, il faut se frayer un chemin entre les petits icebergs pour s’approcher du glacier. Facile à dire, mais pas facile à faire ! On tente de profiter du sillage de Will pour mieux avancer. Assise à l’avant du kayak double, je guide Francis tout en repoussant les gros morceaux avec ma pagaie. On n’aura pas le choix, il faudra passer par-dessus certains en donnant des coups de hanche pour faire avancer les kayaks. Ma-la-de !
On retrouve de l’autre côté du mur de icebergs un lac très agité. Des rafales de vent s’abattent sur l’eau turquoise, causant de petites tornades. On met le turbo pour s’approcher de la rive et tenter de se mettre à l’abri, le temps que la tempête passe. La grêle s’y met, nous fouettant le visage. C’est ce qu’on appelle une expérience digne de la Patagonie, avec une météo qui fait du gros n’importe quoi !
Le glacier Serrano et la fin d’un trip inoubliable
On touche terre et le soleil apparaît, comme si de rien n’était. Devant nous, le glacier Serrano qui nous a tenu éveillés la nuit dernière. On prend quelques photos, mais c’est déjà l’heure de plier bagages pour embarquer à bord du 21 de Mayo, qui nous ramènera à Puerto Natales. On a bien envie de manquer le bateau, pour une fois. En à peine deux jours, cette expérience de kayak dans les confins de la Patagonie nous a fait décrocher, pour de vrai.
Et moi, je ne crains plus les rivières.
Planifier un voyage de kayak en Patagonie chilienne
Il faut savoir qu’il est impossible de louer de l’équipement pour partir en kayak sans guide dans les parcs nationaux au Chili. Selon la loi, les compagnies sont responsables de ce que font les locataires, et ils ne prennent donc pas le risque de les laisser partir seuls. Deux options s’offrent donc à toi : acheter l’équipement et le revendre par la suite si tu as l’expérience nécessaire pour faire du kayak en Patagonie (débutants et intermédiaires s’abstenir !), ou alors partir avec un guide.
Tel que mentionné plus haut, on a fait affaire avec Kayak en Patagonia et les recommandons fortement. Les prix sont assez élevés (environ 800$ US par personne pour deux jours et une nuit tout inclus), mais le service, l’équipement et les repas sont plus qu’excellents. Il faut aussi garder en tête que dans une région aussi reculée que les fjords, il est préférable de ne pas lésiner sur la qualité.
Quoi mettre dans ton dry bag pour un trip de kayak en Patagonie
L’agence nous a fourni l’équipement de kayak, incluant le dry suit et la couche de base, de même que tous les repas et le nécessaire pour camper. En plus de ça, on te suggère de mettre dans ton dry bag :
- Deux paires de gants à l’épreuve de l’eau, histoire de pouvoir en avoir des secs au camp. L’agence nous a fourni des pogies, des grosses mitaines en Néoprène pour couvrir les mains lorsqu’on tient la pagaie. Or, avec le vent, la pluie, la grêle et la neige qu’on rencontre en Patagonie, il est bien de pouvoir compter sur deux épaisseurs si vous êtes frileux ! Truc cheap : des gants de vaisselle, ou alors des gants de pêcheurs, peuvent très bien faire l’affaire !
- Une petite tuque, pas trop épaisse et qui sèche vite, ou alors un Buff pour couvrir les oreilles sous le casque
- Des lunettes de soleil
- Un manteau, des pantalons et des chaussures imperméables de type Goretex pour le soir
- Des combines et des bas chauds pour dormir
- Une caméra (étanche, si possible !) et ton téléphone bien à l’abri dans un dry bag
- Des piles supplémentaires ou alors une batterie externe (power bank) pour recharger tout ça
Pas capable est mort, son petit frère s’appelle essaye. Bon trip !
NDLR : Ce trip en kayak a été payé avec nos sous et nous n’avons pas été payés pour en parler. Les opinions exprimées dans cet article viennent tout droit du coeur <3
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vraiment ça donne le goût mais définitivement vous êtes pas mal plus téméraires que moi, je préfère de loin lire le récit de vos aventures et rêver en regardant vos superbes photos mais je peux imaginer que le trip devait être vraiment exceptionnel.
2 commentaires sur «Faire du kayak en Patagonie»